Une parentalité axée sur des objectifs ou des valeurs ?

Je vous raconte une situation que je rencontre régulièrement en rendez-vous : Des parents viennent pour une problématique. Par exemple, un enfant qui fait régulièrement des "crises". Le rendez-vous se passe, il y a beaucoup de chose à dire, d'informations pouvant aider, d'outils qui peuvent amener à voir les choses autrement, accompagner l'enfant, comprendre les raisons du comportement, ... Comme bien souvent à la fin, les parents ont des outils et des exercices à expérimenter.

Les parents reviennent et me disent : "Ça ne va pas du tout". On regarde cela ensemble, et, en fait, la problématique pour laquelle ils étaient venus a parfois diminué, changé. Parfois même le "problème" a disparu... Mais il y en a une autre. Par exemple : il "s'oppose", il "se tient mal" à table, ... Et toute l'énergie la famille est focalisée dessus. 

C'est un cercle vicieux, nous sommes bloqués dans la lutte et il est normal (même moi en tant que professionnel) de se laisser embarquer. Nous sommes focalisés dans notre société à atteindre des objectifs, le bonheur serait le fait d'atteindre des buts, des étapes... Et il y en a toujours un derrière celui que nous avons atteint, risquant de nous laisser insatisfait d'autant qu'il est impossible de tous les atteindre.  

Et il en va de même pour notre parentalité : avoir des enfants (déjà une belle pression !), quand nous en avons un, à quand le deuxième ?), accoucher de telle manière et à tel endroit. Que nos enfants fassent leurs nuits à tel âge, qu'ils marchent pour ne plus devoir être autant portés, qu'ils soient plus autonomes, qu'ils gèrent leurs émotions, qu'ils réussissent à l'école, qu'ils participent aux tâches de la maison, se fassent des amis facilement et soient populaires, qu'ils soient en bonne santé, qu'ils soient heureux,... et la liste des exemples est infinie.

Alors, oui, bien sûr, quand cela arrive, nous allons ressentir du bonheur. 

Mais combien de temps ce bonheur va-t-il durer ?

Bien souvent, nous allons très vite oublier l'objectif atteint pour déjà nous focaliser sur le suivant.

Alors, attention, bien entendu, se centrer sur nos valeurs n'empêche pas pour autant d'avoir des objectifs et de les atteindre (ou pas). Et donc, d'avoir des outils, des informations... Permettant de changer durablement nos dynamiques familiales, ...

Que faire à ce moment-là ? Je propose, par exemple, de revenir alors à la question des valeurs.

Revenir aux valeurs 

Et oui, revenir aux valeurs car sinon, nous pouvons continuer indéfiniment et être au final toujours insatisfait. Car nous allons très probablement très vite regarder le prochain objectif, puis le suivant, et encore un autre après, ... Du coup, nous pouvons passer notre vie à essayer d'atteindre objectif après objectif. Et dans un accompagnement, cela amène à de l'insatisfaction de part et d'autre. 

Il y a des manières radicalement différentes de vivre votre parentalité et votre vie. C'est de mettre vos valeurs au coeur de votre vie. 

Pour cela, je reprends la métaphore de Russ Harris et du voyage à Disneyland. Attention, ici, je ne parle pas de parentalité, accueillir les émotions, je reste centrée sur la différence entre une vie centrée sur les objectifs et une autres centrée sur les valeurs. 

Bref... Imaginez que ce week-end, vous allez à Disneyland. Pour cela, vous prenez le TGV pour vous y rendre avec vos deux enfants. 

Le premier est centré sur l'objectif. Il va sans arrêt vous demander : "On arrive bientôt ?" "C'est looooong, c'est quand qu'on arrive ?".

L'autre est centré sur les valeurs. Lui aussi veut aller à Disneyland ! Mais il n'oublie pas ses valeurs par exemple : la curiosité, le plaisir de la découverte, la créativité,... Il prend donc plaisir à montrer pour la première fois dans un train, pose des questions sur le fonctionnement, comment on sait qu'on est dans le bon train, regarde le paysage, est dans la joie, on va à Disneyland ! Du coup, il apprécie déjà la journée. 

Une fois arrivé à Disneyland, ils ont tous les deux un moment magnifique. 

Sur le chemin du retour, pour le premier, il y a énormément de frustration, l'objectif est atteint et passé. Du coup, il y aura sans arrêt des "On est bientôt à la maison ? C'est quand qu'on ariiiiive ?"

Le deuxième lui pourra à nouveau s'émerveiller. "Tiens, on dirait le même train. Oh, c'est amusant, on ne voit plus le paysage, c'est la nuit". "L'atmosphère est plus calme dans le train", "Oh, c'était tellement chouette quand..." ,...

Mais imaginons que vous ne puissiez même pas atteindre l'objectif. Juste avant de partir, au moment d'arriver à la gare vous apprenez qu'il y avait une grève des trains. Du coup, vous ne pouvez pas vous rendre à Disneyland.

Le premier enfant pourrait alors pleurer. "Pourquoi on ne peut pas y aller en voiture ? Ce n'est pas juste, ce n'est pas juste, je veux y aller!" Le deuxième lui, pourra profiter. Par exemple, si en attendant des informations, ils vont boire un chocolat chaud, vous décidez de faire autre chose, ... 

C'est ici vraiment la différence entre une vie centrée sur les buts et une vie centrée sur les valeurs.

Dans la vie centrée sur les valeurs, nous pouvons profiter de chaque étape : sur le chemin pour atteindre notre but, quand nous atteignons nos buts et quand nous n'y parvenons pas. 

Cette métaphore vient des travaux de Russ Harris que vous pouvez retrouver dans cette excellente vidéo (en anglais).

Je vous inviterais donc ici simplement à prendre un temps pour réfléchir à cette question. Quel enfant êtes-vous ? Etes-vous dans cette course effrénée après des objectifs ou bien vivez-vous une vie centrée sur vos valeurs ? 

Pas d'inquiétude, pas de jugement. Vous pouvez à tout instant prendre le chemin des valeurs. Et nous allons tous, à un moment ou à un autres nous en éloigné. C'est ok. :) C'est un cheminement et cela s'apprend, se travaille, en profitant de ce chemin qui est loin d'être (toujours) évident.