Comprendre les conflits dans sa famille grâce au triangle dramatique
Vous rentrez chez vous après une journée de travail. Votre conjoint rentre lui aussi, il a l’air tendu. Au bout du compte, ça tombe, comme vous vous y attendiez: à nouveau le même reproche. “Tu n’avais pas rangé la table avant de partir, en revenant, j’ai dû le faire,...”. Au début vous vous justifiez, puis au bout d’un temps, vous en avez marre et vous lui lâchez: “Avec toi, c’est toujours pareil, toujours les mêmes reproches.”
Vous vous rendez chez votre maman. Dans l’après-midi, votre enfant qui a bien pris le goûter, l’écran… se roule par terre. C’est la crise! Vous êtes mal, c’est compliqué sous le regard de votre maman qui vous lâche : "Ta soeur est venue hier. Avec ses enfants, ça ne se passe pas comme ça.”
Ce type de dispute vous dit quelque chose? Vous avez régulièrement cette impression de rejouer la même dispute? Vous êtes probablement dans un jeu psychologique et dans le triangle dramatique.
Qu'est-ce que c'est? Comment en sortir? C'est ce dont je vous parle ici.
C'est quoi le triangle de Karpman?
La notion de jeu psychologique est une théorie qui a été élaborée par Éric Berne, le fondateur de l'analyse transactionnelle. C’est ensuite Stéphen Karpman qui a conceptualisé l'idée de triangle dramatique dont je vais vous parler aujourd’hui. Karpman a donc synthétisé les échanges entre les participants des jeux en trois grands rôles : la Victime, le Persécuteur (bourreau) et le Sauveur.
La victime
Elle est dans les plaintes, est malheureuse. Elle a un sentiment d’impuissance, il lui arrive toujours des choses.
Par exemple:
Elle peut nous dire des phrases comme: “Ça ne sert à rien que je lui en parle. Je sais ce qu’il va me dire. Il va me dire que j’exagère toujours. Mais ce que je vis est vraiment dur, et je suis seule pour tout faire.”
Ou bien: “Oh, je sais ce que tu vas me dire, que je devrais aller chez un coach parental. Mais je n’ai pas les moyens et j’ai déjà fait tant de choses,...”
Avec nos enfants, cela peut donner aussi des phrases du type: “Regarde ce que j’ai fait à cause de toi!”
Le persécuteur
Le persécuteur est très critique, sévère. Il dévalorise, ses propos sont définitifs et sans appel. Il fait peur.
Par exemple:
“Ton frère ne fait pas des scènes pour des choses pareilles!”.
Ou bien: Vous avez eu une dispute sur les chaussures mal rangée? Vous oubliez de les ranger, le persécuteur vous dira: “Ah tiens, toi aussi tu oublies de ranger tes chaussures…”
Le sauveur
Il est toujours prêt à défendre les opprimés et les causes perdues. Qu’une victime le demande, et il vole à son secours. Et si elle ne le demande pas… il veut bien venir quand même! Il prend la responsabilité de la situation qui ne le concerne pas. Vous pouvez l’entendre dire des phrases du type: “Tu devrais faire attention à ton père, il est quand même sensible sur ce sujet. Et il fait tellement de choses pour toi.”
Par exemple:
“Oui, ton père t’a crié dessus. Mais en ce moment, il est très stressé. Il faut le comprendre.”
Ou bien: “ Quand je pense à Sophie, je n’en dors pas! Ça doit être horrible. Mais quand je lui donne des conseils, elle ne veut rien entendre!
Nous avons tous des tendances dans un rôle ou l’autre en fonction des situations. C’est intéressant de se regarder avec un sens critique, c'est le premier pas pour en sortir. Car oui, nous pouvons (hum) avoir tendance à voir les rôles joués par les autres. Oui, c'est important pour ne pas mordre à l'hameçon. Mais voir notre part nous permet de reprendre notre responsabilité et sortir de ces triangles.
On peut se sentir parfois coupable ou bête, mais dites-vous bien que si vous en prenez conscience, vous avez l'opportunité d'agir autrement et ça, c'est merveilleux.
Comment les repérer?
Bien souvent, le jeu est répétitif, prévisible et pourtant donne l'impression d'être inévitable et d'avoir été généré par l'autre. A la fin, on reste avec une impression de “C’est lui/elle qui…”
Ça vous dit quelque chose? Eh oui, le bon vieux conflit dans la fratrie avec le "Mais c'est lui qui...". Soyons vigilant à ne pas entrer dans un jeu de pouvoir dans nos familles! Ne nous mettons pas en Sauveur de l'un de nos enfants, Persécuteur de l'autre. Permettons à chacun, en les accompagnant, en les outillant, de sortir de ces conflits sans entrer dans le triangle.
Le coup de théâtre
Dans ces jeux psychologiques, il y a souvent ce qu'on appelle un coup de théâtre, des jeux de chaises musicales.
Par exemple: Dans un premier temps, la victime se plaint: “Ah, c’est trop dur, encore une fois mon fils fait ça… je ne sais plus quoi faire!”. Le sauveur met sa cape et vole au secours: “Oui, tu devrais… Tu dois? Tu as essayé?” A chaque proposition, la victime répond: “Oui, ça ne marche pas. Tu vois à quel point c’est dur pour moi?”
Le jeu continue comme ça jusqu’à un basculement qui pourrait être par exemple le Sauveur se mettant en persécuteur: “Rooooh, mais faut te secouer un peu! C’est pas si grave! Et puis, je t’ai proposé plein de solution, faut les appliquer!". La victime peut à ce moment elle aussi changer de rôle… Et on repart pour un tour!
Triangle dramatique et responsabilité
L’enjeu, quelque part, c’est de ne pas prendre ses responsabilités. Pour la Victime, elle n'est pas responsable de ce qui lui arrive. Ses responsabilités, elle va les renvoyer le plus loin possible. Le Sauveur et le Persécuteur sont dans l’illusion qu’ils ont le pouvoir. Ils veulent bien prendre la responsabilité renvoyée par la victime. Mais en oubliant que pour avoir la responsabilité, il faut avoir le pouvoir d’agir. Elle devient donc culpabilité. Pour le Sauveur, celle de ne pas arriver à sauver la victime. Pour le Persécuteur, celle de persécuter une pauvre victime.
En sortir / ne pas y rentrer
Faire le point
Tout d’abord, faites le point: quels sont les disputes qui reviennent régulièrement dans votre vie et qui ne résolvent aucune situation? Avec quelles personnes de votre entourage avez-vous ces disputes?
La responsabilité
Pour sortir de là: ne pas prendre la responsabilité de l’autre!
Chaque adulte est responsable de son bien-être.
Nous n'avons pas le pouvoir de rendre heureux quelqu'un. Pour vous en convaincre, essayer de rendre heureux quelqu'un qui n'a pas envie de l'être. Bonne nouvelle, l'inverse est vrai aussi: nous n'avons pas le pouvoir de rendre malheureux quelqu'un qui n'a pas envie de l’être.
Les éviter
Pour ne pas entrer ou éviter ces jeux, voici différentes possibilités.
- La première est de réaliser que nous sommes dedans, nos scénarios favoris, nos rôles de prédilection. Et il n’est jamais trop tard. Même après le coup de théâtre, nous pouvons retourner auprès de la personne et en reparler avec.
- Donc, quand vous avez un malentendu avec une personne, réglez-le avec la personne directement concernée!
- Tenez-vous en fait en question. Gardez à l’esprit de décrire en évitant de juger, sans interpréter: qui, quoi, où, quand, comment, combien.
- Prenez soin de vous et de votre besoin.
- Toute demande qui n’est pas clairement exprimée n’a pas à être satisfaite. Je ne peux pas en vouloir à l’autre de ne pas deviner ce que je pense, ce que je me dis, ce que je voudrais.
- Revenez à chaque fois à cette question de responsabilité!
- Stopper le jeu en faisant marche arrière quand vous réalisez que vous êtes entré dedans (et n'hésitez pas à vous excuser au passage, c'est pas mal...).
- Chercher d'autres moyens d'avoir des interactions et des signes de reconnaissances que ceux que vous obtenez avec ces conflits. Pourquoi pas des temps dédiés, des moments qualitatifs ensemble?
- Fuir les joueurs professionnels
Vous êtes quelqu'un de bien et de capable. L'autre est quelqu'un de bien et de capable.
Pourquoi sur mon blog?
Alors voici ce à quoi je vous invite.
Lors de votre prochain conflit, faites une pause. Posez-vous la question. Qu'est-ce qui se joue ici, pourquoi? Quel est mon rôle, et quel est celui de l'autre. Essayez d'en sortir.
C'est un outil simple, puissant, éclairant. Je vous invite à faire l'exercice. Et s'il vous a été utile, n'hésitez pas à revenir me laisser un petit commentaire pour me faire part de vos résultats!
Je n'ai été que dans les grandes lignes pour cet article. Si le sujet vous intéresse, il y a de super ouvrages que je vous recommande sur la question et notamment les deux ci-dessous:
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Commentaires
Maman Chamboule Tout 06/03/2020 11:19 (Il y a 5 années)
J’ai appris plein de choses dans ton article, merci ! J’avoue qu’à la maison l’ambiance est sereine et qu’on ne se dispute pas (l’un comme l’autre on ne supporte pas ça, peut-être un autre problème psychologique la dessous…).
Mais c’est toujours intéressant d’apprendre ce types de schémas !
Charlotte - Enfance Joyeuse 06/03/2020 09:50 (Il y a 5 années)
Super interessant ! Je ne connaissais pas du tout !
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